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🕓 Temps de lecture : 5 minutes
Ecrit par Solène Dislaire le 15 juin 2020
On le sait tous, l’industrie de la mode est responsable d’une grande partie des émissions de gaz à effet de serre dans le monde, et les transports de l’usine à la boutique participent à ce sombre bilan.
Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon l’ADEME (l’Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), l’industrie de la mode émet chaque année 1,2 milliard de tonnes de gaz à effet de serre, ce qui correspond, peu ou prou, à 2% des émissions globales de gaz à effet de serre en 2015. La plupart des marques et distributeurs privilégient aujourd’hui une production sur d’autres continents afin de bénéficier de coûts de production moins élevés (comprenant des salaires dérisoires pour les travailleurs du textile), ou de savoir-faire que des pays, comme la France, ont perdu. C’est pourquoi, il leur est plus avantageux de payer du carburant pour transporter les vêtements plutôt que de les faire fabriquer à proximité de leur marché, comme en Europe.
Pour toutes les étapes de conception et de fabrication du vêtement, celui-ci pourra être envoyé dans plusieurs pays. À titre d’exemple, un jean parcourt en moyenne 65 000 km avant d’arriver à sa destination finale, ce qui représente 1,5 fois le tour de la terre.
À cela, il faut ajouter que l’avion demeure le moyen de transport le plus utilisé dans l’industrie du textile car plus rapide mais, en contrepartie, plus gourmand en émissions de gaz à effet de serre.
Pour arriver à bien comprendre l’impact réel des transports dans l’industrie de la mode, il nous faut remettre les choses en perspective. Les 2% d’émissions de gaz à effet de serre que représentent l’industrie de la mode correspondent à un volume plus élevé que la totalité des vols internationaux et du transport maritime !
En réalité, l'étape du transport ne contribue qu'à hauteur de 2 % à l'impact sur le changement climatique de l'ensemble de la chaîne de création de valeur. Les effets sur l'eau et les produits chimiques, par exemple, sont négligeables.
Aujourd’hui, les entreprises sont de moins en moins incitées à utiliser le transport aérien et vont privilégier le transport maritime qui a la plus faible empreinte carbone par unité de marchandises transportées. Si on rajoute à ça qu’un vêtement ne prend pas beaucoup de place dans un container, on se rend compte que le transport maritime ne participe pas majoritairement à l’empreinte carbone des entreprises du textile. Celles-ci cherchent de plus en plus à bénéficier d’économies d’échelle en évitant de laisser des container vides ou encore en collaborant avec des partenaires logistiques pour optimiser cette étape du transport.
C'est pourquoi, le transport est l'unique étape pour laquelle le coût est équivalent à l'impact environnemental. En effet, les marques vont essayer d'optimiser les méthodes d'emballage pour gagner de la place dans les containers afin d'en utiliser le moins possible et, in fine, dépenser moins lors de l'étape du transport. Parallèlement à ces économies d'échelle, les marques vont réduire leur émissions de gaz à effet de serre. C'est donc ce que beaucoup de marques privilégient aujourd'hui.
Il faut évidemment nuancer ce constat puisque l'augmentation constante de la cadence de production que nous observons aujourd'hui dans le secteur du textile, entraîne une utilisation plus intense du transport maritime. Les tentatives de réduction des transports ne peuvent donc suivre le modèle de la fast fashion, au sein duquel les marques proposent toujours plus de vêtements aux consommateurs. Si la tendance actuelle ne s'inverse pas, la Commission européenne prévoit une hausse de 50% à 250% des émissions de gaz à effet de serre provenant du transport maritime, d'ici 2050.
Il ne faut donc pas se tromper dans l’analyse : l’enjeu des transports au cœur de l’industrie de la mode est bel et bien présent.
On peut prendre l’exemple de la marque Les récupérables, qui, dans un souci de transparence, ont présenté l’empreinte carbone de leur Kipants, un pantalon éco-responsable. Alors que ce pantalon consomme 0,96kg en CO2 contre 18kg pour un pantalon standard, 70% de l’impact environnemental du Kipants provient du transport. En effet, puisque ce pantalon consomme globalement moins en CO2, la part de l'empreinte environnementale du transport augmente. À l'inverse, pour des vêtements standards, le transport ne participe pas majoritairement à l'empreinte carbone - en comparaison à d'autres étapes comme l'extraction de ressources non-renouvelables ou la fabrication du vêtement.
En bref, on comprend que même si le transport participe de façon non négligeable à l'empreinte environnementale globale de la production d'un vêtement, cette étape n'est pas la plus problématique au sein de toute la chaîne de production. Le problème principal n’est pas de produire loin mais plutôt comment nous choisissons de produire (quelque soit le lieu de production).
En suivant ce raisonnement, on peut en conclure qu’un produit confectionné en Asie ou en Amérique latine peut être davantage éco-responsable qu’un produit fabriqué dans une usine en Europe. C’est contre-intuitif, on le sait, mais plusieurs exemples s’offrent à nous :
Par conséquent, le véritable problème réside plutôt du côté de la fast fashion qui propose un nombre toujours plus important de collections par an et qui multiplie donc l’utilisation de transports.
Davantage de normes en ce qui concerne le transport de marchandises, une production raisonnée et durable et un effort pour rapprocher les usines des marchés, sont les clés pour continuer à limiter l’empreinte carbone lors du transport de nos vêtements.
Il nous faut quand même rappeler que certaines matières utilisées pour la confection de vêtements -comme le coton- ne peuvent être trouvées en Europe. La chaîne d’approvisionnement reste donc encore largement internationale aujourd’hui. Comme nous l’avons évoqué dans un article précédent, la Turquie et l’Inde sont les plus gros producteurs de coton biologique. Si celui-ci, après avoir été cultivé, est transformé en vêtement sur place, alors l’utilisation des transports est limitée.
Nos sources :
Article de Julia Faure "Pourquoi H&M se moque (bien) de nous"Tags : Les enquêtes